Historique
Parler du château de Vaugrigneuse, c’est en premier lieu évoquer Jean Héroard (1551-1628), homme discret autant qu’érudit, tant il est vrai que ce domaine, qui pourrait avoir comme devise la maxime célèbre de Léonard de Vinci « La simplicité est la sophistication suprême », reflète profondément la personnalité de celui qui le conçut.
Si ses origines s’enracinent dans le sombre Moyen-âge, c’est bien au tout début du XVIIe siècle que Vaugrigneuse prend corps, lorsque Jean Héroard, alors médecin de Louis XIII, prend possession de la propriété. Sa sensibilité déjà en harmonie avec le classicisme qui s’annonce, il y fait édifier une demeure aux lignes simples où dominent équilibre et sobriété du décor.
Le premier vétérinaire français
Né en 1551 au sein d’une famille ancrée dans le milieu médical et de sensibilité protestante, Jean Héroard est plus que tout un homme de la Renaissance à la croisée de deux siècles, un humaniste contemporain d’Ambroise Paré, de Ronsard et de Montaigne mais aussi du jeune Descartes. À vingt ans, il commence des études de médecine à Montpellier, écourtées semble-t-il par les massacres de la Saint-Barthélémy, puis rejoint Paris. Là, Ambroise Paré le présente à Charles IX, passionné de chasse et d’équitation, qui lui confie en 1574 la toute première Charge de Médecin en l’Art vétérinaire.
Un traité vétérinaire novateur
Notre vétérinaire, qui est aussi médecin, soigne donc et les chevaux, et les hommes, quand il entreprend, à la demande de Charles IX, la rédaction de son Hippostologie (dont la version manuscrite de 1579 est aujourd’hui conservée à la bibliothèque du château de Chantilly). Dans ce traité d’ostéologie du cheval écrit en français, quand tant de docteurs écrivent encore en latin, il utilise une toute nouvelle approche, l’observation directe, pour décrire avec rigueur et méthode un squelette entier de cheval. C’est la première description précise et complète et la première dénomination française des os du cheval. L’Hippostologie sera publié en 1599 et dédicacé à Henri III. Aujourd’hui encore, la propriété conserve des traces de la place qu’occupèrent les chevaux dans la vie d’Héroard.
Le médecin des rois
Jean Héroard poursuit son ascension à la Cour. Tour à tour médecin du roi par quartier à la cour de Henri III, puis auprès de Henri de Navarre, futur Henri IV, il a cinquante ans lorsque le 21 septembre 1601, celui-ci lui confie la charge de médecin ordinaire du Dauphin. Louis vient de naître, Jean Héroard ne le quittera plus. Fidèle à lui-même, jour après jour, il observe son jeune patient et note. De 1601 à 1628, 11000 pages manuscrites seront rédigées, dans un style concis, simple et clair. Ce Journal, tenu minutieusement jusqu’à sa mort au siège de La Rochelle, reste l’œuvre majeure d’Héroard — un document descriptif de premier ordre qui intéresse historiens, pédiatres et linguistes. L’amitié du roi Louis XIII pour celui qui devint son premier médecin en 1610 ne se démentira jamais et il honorera souvent Vaugrigneuse de ses visites.
Le seigneur de Vaugrigneuse
En 1602, Jean Héroard devient par son mariage avec Anne du Val propriétaire d’un domaine à Vaugrigneuse, composé, selon un aveu notarial de 1507, d’un « château clos à faussez à eau, cour, jardin, colombier, cave, tout en ruines et non-valeur ». Il décide d’y faire construire son château. Il le veut harmonieux, suffisamment vaste mais sobre. Et baigné de lumière.Il l’agrémente d’un parc, agréable équilibre entre nature et main de l’homme, dans lequel il introduit de nombreuses espèces. Car l’homme cultivé et curieux qu’il est s’intéresse aussi aux plantes — ne soutiendra-t-il pas auprès du Roi un jeune médecin apothicaire, Guy de la Brosse, dans sa demande d’ouvrir un jardin « et que dans ledit jardin il soit gardé un échantillon de toutes les drogues tant simples que composées. » ? Ce sera une autre histoire, celle du Jardin royal des plantes médicinales, qui n’ouvrira qu’en 1635 et connaîtra un formidable essor avec Buffon sous le nom de Jardin Royal des Plantes.
Jean Héroard n’aura pas d’héritier. À la mort de sa femme, le château changera plusieurs fois de propriétaires mais sera peu modifié. Aujourd’hui, le château et son parc classé de seize hectares — dans lequel poussent plus de cinquante-cinq espèces d’arbres et arbustes et où s’est naturalisée une flore riche de quelque deux cents espèces — appartiennent à un couple de propriétaires privés qui a entrepris de les restaurer et d’y faire perdurer l’esprit de l’étonnant médecin.
L’église Sainte-Marie-Madeleine de Vaugrigneuse attenante au château témoigne de l’attachement profond de Jean Héroard à ses terres. Il fait bâtir la chapelle Nord qu’il dédie à la Vierge, et en 1618, fait établir l’église en paroisse détachée de celle de Briis (elle y est aujourd’hui à nouveau rattachée). Jean Héroard et son épouse reposent dans cette chapelle dans un tombeau orné de dix fleurs de lys. C’est dire à quel point l’histoire de l’église de Vaugrigneuse est liée à celle de Jean Héroard et du château.